Pour en finir avec la fatigue et l’épuisement professionnels dans les métiers de l’éducation.

J’observe actuellement une augmentation de la fatigue professionnelle, voire de l’épuisement dans les métiers de l’enseignement, enseignants, chefs d’établissement et le personnel éducatifs des établissements.

Une fatigue chronique s’installe.

Auparavant, je remonterai deux années en arrière, cette fatigue était reconnue comme passagère et liée à des périodes spécifiques de l’année scolaire. Un weekend de repos, voire deux semaines de vacances suffisaient à retrouver le niveau d’énergie nécessaire pour être apte à assurer les fonctions et permettre de bonnes conditions de travail et d’ambiance dans les établissements et les classes.  Ce qui m’interpelle actuellement, c’est le caractère chronique de cette fatigue qui conduit au surstress et à la longue à l’état d’épuisement. Cela se généralise et touche tous les types d’établissement (public, privé, centre ville, zone rurale, zone suburbaine…)

Je ne reviendrai pas sur les causes spécifiques au métier d’enseignants. J’ai eu l’occasion d’en faire un article que vous pouvez retrouver sur ce blog (fatigue des élèves et des enseignants français).

1. Quelques données chiffrées quant au degré du stress professionnel chez les enseignants et les chefs d’établissement du 1er degré.

Depuis plus de cinq ans je fais régulièrement passer les mêmes tests d’échelle des facteurs de stress professionnel.  Depuis deux ans, c’est sur une bonne partie du territoire français que j’interviens (Nord/Normandie/Sud/Rhône Alpes). Sur ces deux dernières années, j’ai fait passé ces tests à plus de 500 personnes. J’exploite le test de P.Légeron – les facteurs de stress au travail (le stress au travail) – que je croise avec les deux tests de C.Cungi – évaluation des stresseurs généraux et du stress général . Cela me permet de faire des comparaisons sur la durée et avec d’autres milieux professionnels, mais aussi d’identifier les caractéristiques des personnes et leur sensibilité quant à l’état que je qualifie de « surstress ».

Des niveaux de stress professionnel très, voire extrêmement élevés. Quelles que soient les régions et les métiers (enseignants, chef d’établissement), à 80% j’observe sur l’échelle de Légeron des niveaux de très à extrêmement élevé de stress, soit les niveaux 4 et 5 sur l’échelle qui en comprend  5. Les 20% restant sont au niveau 3 (soit niveau de stress élevé). Il n’y a que quelques cas isolés (même pas 1%) qui sont au niveau 2 !

Analyse des données :

–  Et d’abord intéressons nous aux caractéristiques de ceux qui ont un niveau plus bas que les autres. Les 20% qui sont au niveau 3, et que ne sont pas en surtsress. Ils ont pour la plupart une pratique  personnelle dite de pleine conscience (méditation, sophrologie, etc..). Ils se font ou se font fait accompagner à titre personnel (psychothérapeute, coach…). Ils savent faire la part entre leurs différents temps de vie. Ils sont dans la posture de l’acceptation de ce que sont les autres, leur environnement. Rien de surprenant dans ce que je viens d’énoncer. Toutes les enquêtes et recherche en ce domaine arrivent à la même analyse quels que soient les milieux professionnels.

– Voyons maintenant l’écrasante majorité des très et extrêmement stressés (80%) de notre échantillon de 500. Et tout d’abord les enseignants. Dans les facteurs de stress proposés par Légeron qui en identifie six (la pression, le changement, la frustration, le relationnel, la violence, l’environnement) ils s’en dégagent trois : la pression, la frustration, le changement. Ceci confirme bien toutes les enquêtes qualitatives et quantitatives réalisées récemment (inserm, syndicats d’enseignants….).

– Pour les chefs d’établissement du 1er degré qui sont pour les 3/4 encore en poste d’enseignants (temps de décharge variant de 0 à 2 jours par semaine), les facteurs varient quelque peu : la pression est bien présente, comme le changement. La frustration n’est pas un facteur de stress important pour cette catégorie. Cependant ce facteur est plus présent chez les chefs d’établissement en poste depuis plus de dix ans.

– L’épuisement guette ceux qui ont un stress professionnel très élevé et en même temps des niveaux de stresseurs généraux et de stress général élevés. C’est le croisement du test de Légeron avec ceux de Cungi qui met en valeur cet état de fait. En effet ceux qui ont des niveaux faibles de stress général et de stresseurs généraux, sont moins sujet à la fatigue chronique et au syndrome d’épuisement. Cela se comprend aisément, ils ont les ressources de par ailleurs pour se protéger. Ils ont une meilleure connaissance de soi. Ils savent prendre de la distance.

2. Des données qualitatives issues des différentes rencontres et temps de travail en formation et en accompagnement individuel, de la maternelle à l’université.

Depuis deux ans, c’est plus de 1000 personnes que j’ai rencontré lors de temps de formation et d’accompagnement d’équipe. A cela s’ajoute les accompagnements individuels (type coaching).

Cette fatigue généralisée s’observe sur les visages, sur  les attitudes corporelles. Elle est bien présente, pas forcément verbalisée. Les situations décrites et auxquelles sont confrontées les différents acteurs sont plus tendues et génératrice de conflits.

La surcharge administrative est bien réelle et ce quel que soit le poste occupé et le niveau d’enseignement. Et surtout le sens n’apparaît pas.

Il y a un décalage entre les injonctions institutionnelles et le vécu sur le terrain. Pour certains c’est une non compréhension qui s’installe. Comme si le dialogue n’était plus possible entre les différents niveaux hiérarchiques.

3. Pour dépasser ces constats et observations, quelles propositions ?

« Pour étudier, pour enseigner, pour apprendre, on a besoin de sûreté, de tranquillité », a déclaré Vincent Peillon, actuel ministre de l’Education National (France). Et comme le dit si bien M.Debarbieux : »Les hôtesses de l’air sont formées à la gestion du stress de leurs passagers », mais les enseignants français « n’ont pas été formés à ça ».

Pour une formation à la connaissance de soi.

Mais au delà d’une diffusion des savoirs spécifiques à cette question, c’est un vrai travail en profondeur qui doit être entrepris.  Une diffusion des savoirs sur le stress peut se faire en deux jours. Mais par travail en profondeur j’entends, la mise en place de modules de formation qui vont amener les enseignants comme les chefs d’établissement à travailler sur eux-mêmes. Parce que la priorité est là. Se connaître, identifier ses peurs, ses angoisses, travailler sur ses projections… Et ce n’est pas dans la culture française de la formation des enseignants et des chefs d’établissement d’aborder véritablement cette question de front. C’est une révolution copercienne qui est à entreprendre en ce domaine.

Travailler sur les compétences relationnelles dés la formation initiale est une nécessité. Identifier ses émotions, aller à la découverte de ses zones d’ombre devient nécessaire dans un métier de l’humain. Cela a autant d’importance aujourd’hui que les temps de formation en pédagogie, en didactique ou en gestion.

Proposer l’approche de la psychologie positive participerait à faire changer le regard sur soi, sur l’autre et sur les situations critiques.

Proposer en formation continue des approches tels que  la MBSR et l’acceptation pour les volontaires participeraient à rendre acteurs les personnes dans la régulation de leur état de surstress.

Mettre en place des groupes de paroles pour les volontaires dans les établissements scolaires serait une initiative pertinente qui participerait à mettre du sens, à prendre de la distance avec des situations critiques rencontrées.

Renouer un dialogue entre les différents niveaux hiérarchiques et institutionnels. Ce n’est pas que le dialogue n’existe pas actuellement, c’est qu’il y manque de l’authenticité. Les acteurs dans les établissements ont le sentiment de ne pas être écoutés et entendus. Et il en de même des responsables hiérarchiques qui ont le sentiment de ne pas être compris.

En conclusion, quels que soient les postes (enseignant, chef d’établissement, éducateur), c’est bien sur les dimensions de l’humain qu’il est nécessaire d’outiller les personnes. Les compétences techniques (pédagogiques, didactiques, gestion, pilotage) n’en sauront que mieux développer.

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