C’est à l’initiative de Mélanie Decool (infirmière) et Sylvie Ponavoy (professeur) au collège de Flandre à La Madeleine (Hauts de France) que j’ai animé pour tous les élèves des classes de cinquième un atelier de pleine attention. Nous avons pu mesurer les effets de cet atelier sur les capacités attentionnelles au travers d’un test pratique d’attention-concentration. C’est cette expérimentation que je vais vous décrire ainsi que les résultats observés entre la première et la dernière séance.
1. Intitulé de l’atelier.
« Développer un cerveau de champion «
2. Cadre des rencontres.
- Toutes les classes du niveau 5ème (12 à 14 ans) ont bénéficié de sept rencontres entre les mois de mars et de juin 2019. Soit une centaine d’élèves.
- Tous les élèves participaient à l’atelier
- Le temps de l’atelier était de 30mn/classe.
- Un ou des adultes (enseignants, éducateurs, infirmière…) ont participé à l’atelier avec les élèves.
- Les temps d’atelier se déroulaient sur temps de cours.
3. Contenus des ateliers.
Les contenus s’appuient sur le programme (Raymond Barbry-AGEPS). Ils sont adaptés aux caractéristiques des collégiens de cette tranche d’âge. En voici les grands points,
- Identifier ce qu’est un état d’attention-concentration.
- Connaître le fonctionnement de base du cerveau attentif.
- Apprendre à réguler sa respiration.
- Apprendre à percevoir les sensations venant du corps (relâchement-contraction).
- Apprendre à observer et réguler ses pensées (métacognition).
- Apprendre à construire une image mentale.
- Apprendre à ressentir et réguler les émotions.
- Apprendre à faire silence.
- Apprendre à fixer son attention dans le cadre d’une situation neutre.
- Apprendre à réguler son niveau de stress.
- Apprendre à visualiser une situation à venir (mise en projet).
- Apprendre à se remémorer un événement passé.
- Apprendre à se déplacer sans les repères visuels.
- Apprendre à maintenir un équilibre sans les repères visuels.
4. Entraînements entre les temps d’atelier.
J’ai pour habitude dans ce type d’intervention de rapprocher les temps de rencontre (au maximum toutes les deux semaines), ceci pour une meilleure appropriation des outils. Dans le cadre de ce dispositif, cela n’a pas été possible. Aussi, la présence d’adultes avec les élèves s’est révélé déterminante. Elle a permis la réappropriation des situations proposées dans l’atelier dans le cadre de temps de classe. C’est ainsi que certains enseignants-es ont repris régulièrement sous forme de temps très courts des situations de pleine attention. Une routine s’est ainsi installé dans certaines classes.
5. Effets observés sur le temps d’attention-concentration sur une tâche neutre.
Nous avions convenu d’évaluer les effets de cet atelier sur tous les participants. Pour ce faire nous avons retenu le test classique de fixation d’un objet neutre qui permet de mesurer instantanément les progrès ou non des sujets. Ce test, qui est exigeant, s’appuie sur deux principes : la vitalité et l’entraînement spécifique. C’est ainsi que s’entraînent mentalement, la plupart des sportifs de haut niveau et toutes les personnes qui ont à intervenir dans des contextes à haut de niveau de vigilance.
Description du test :
– En position assise sur une chaise, pieds au sol.
– Fixer un objet neutre, balle, ballon etc…qui est positionné à peu près à hauteur d’homme (1.70).
– Le regard ne doit pas quitter l’objet pendant un temps déterminé.
– La durée du test est de 20mn.
– Les sujets ont l’autorisation de bouger les pieds et les bras, mais le haut du corps (la tête) se doit de rester immobile.
– Dés que le sujet quitte du regard l’objet neutre, le test est terminé et nous notons le temps de soutien du regard sur l’objet neutre.
Résultats observés lors de la première rencontre avant le début du programme.
Lors de la première rencontre et dés son début, nous avons fait réaliser le test décrit précédemment sur une période de 3mn. En voici les résultats :
- 50% des élèves décrochaient avant la première minute. Pour certains d’entre eux, soit 10% de la totalité, le décrochage attentionnelle s’est fait avant l’atteinte de la quinzième secondes.
- Moins de 20% des élèves ont réussi à maintenir l’attention pendant trois minutes.
Résultats observés lors de la dernière séance – le test des 20minutes.
La dernière séance a consisté à la fixation de l’attention sur un point fixe pendant 20mn, voici les résultats de ce test réalisé par 94 élèves
- 56% maintiennent leur attention pendant 20mn
- 3% maintiennent leur attention au delà de 15mn (<20mn)
- 11% maintiennent leur attention au delà de 10mn (<15mn)
- 11% maintiennent leur attention au delà de 5mn (<10mn)
- 19% ne maintiennent pas leur attention au delà 5mn (<5mn)
Nous observons une différence entre les garçons et les filles. Ces dernières sont 60% à réussir le test dans sa durée totale pour 44% des garçons.
Un seul élève obtient un score de moins de 1mn (36 secondes de temps de soutien).
Discussion sur les résultats.
les progrès sont indéniables quant à la réalisation du test retenu. Ceci confirme toutes les recherches faites ces deux dernières décennies qui mettent en avant le bénéfice retiré des pratiques de pleine attention sur les capacités attentionnelles.
Un entraînement spécifique s’avère efficace et a tout son sens dans le contexte éducatif actuel. Notre époque dite « hyper-moderne » est marqué par une chute drastique des capacités attentionnelles de l’être humain (temps de maintien de l’attention à 9 secondes). Or il n’est pas possible d’apprendre, de réfléchir, de mémoriser si l’attention est absente ou réduite à un temps trop bref (zapping attentionnel).
Des exercices de pleine attention peuvent être proposés dans le cadre de l’enseignement obligatoire. Ils ne prennent pas beaucoup de temps (de quelques secondes à quelques minutes). C’est la systématisation qui est déterminante. Il s’agit d’instaurer un rituel.
Exploitation de la pleine attention en dehors du temps d’atelier.
Nous avons fait une enquête quant à l’exploitation que font les collégiens de cet outil de pleine attention en dehors du temps d’atelier , voici ce qu’il en ressort :
Près de 50% déclarent s’entraîner personnellement en reprenant plus ou moins régulièrement (de une fois par semaine à chaque jour) un ou des exercices proposés durant le temps d’atelier.
Certains jeunes déclarent exploiter cet outil dans d’autres contextes de leur vie et plus particulièrement celles et ceux qui ont une pratique sportive ou culturelle (musique, chant, théâtre) ou pour une meilleure qualité de vie (amélioration du sommeil).
Raymond Barbry – le 25 juin 2019