Une expérience du Chemin de Compostelle

Je viens de vivre une expérience extraordinaire qu’il m’est difficile de décrire pour le moment avec des mots, marcher pendant 50 jours du Puy en Velais jusqu’à Santiago de Compostella et le Capo Finisterre…..Voici un résumé de chacune des semaines.

Semaine 1 / du 5 au 11 avril

Me voici à Conques où je fais une journée de pause après six de bonnes marches. La traversée du massif central d’est vers l’ouest/sud- ouest est tout simplement splendide, surtout à pied ! Le velay, le Gévaudan, l’Aubrac et la vallée du Lot dans l’Aveyron…qui plus est sous le soleil.

Mais ce qui est le plus « fort » et le plus « riche », c’est l’ambiance qui règne sur « Le Chemin ». Il y a quelque chose de non définissable qui nous dépasse, une énergie, une forme d’élan vital, une histoire qui est palpable à qui sait s’y ouvrir et qui nous ramène à l’essentiel de la vie tout simplement. Je mesure d’autant mieux la folie et la superficialité de notre époque actuelle.

Semaine 2 / du 12 au 19 avril

Me voici à Moissac où il y a comme partout sur ce chemin des abbayes magnifiques. Au delà de la croyance qui appartient à chacun, nul ne peut rester insensible à ces réalisations faites à une époque où les moyens techniques étaient des plus réduits au regard de notre époque. Nous avons des leçons à retenir à ce niveau !

Le « Chemin » fait son travail de fond, je deviens de plus en plus pèlerin et quitte la peau du randonneur. C’est une expérience humaine et spirituelle rare. Il y a une alchimie, c’est à dire quelque chose qui fait son œuvre et qui nous dépasse. Cela aussi ne s’explique pas avec les outils de notre modernité qui veut tout rationaliser, mais quelle erreur, voire faute et surtout quelle posture suffisante du matérialisme.

Cela fait deux semaines pleines que je suis parti du Puy en Velais et j’ai à ce jour dépassé le ¼ du parcours qui doit me mener à Santiago de Compostella, voire au capo Finesterre.

Exemple d’une belle synchronicité : «

Pour la petite histoire, j’ai explosé une « pompe » à la veille de l’arrivée à Cahors ! Là, téléphone au réseau arrageois de Compostelle, et plus particulièrement Mélanie qui m’avait parlé d’un super magazin à Cahors (Caminolog). Mélanie m’arrange le coup à distance avec Serge le proprio du magazin qui va ouvrir pour moi le dimanche en milieu d’aprés midi…Et je découvre ensuite que c’est chez cette même personne que je vais aussi passer la nuit (gite).

Les rencontres en chemin et en gîte sont d’une richesse qui se trouvent rarement à notre époque marqué par l’egotisme. Il n’y a plus de statut social. Il y a, avant tout, des personnes engagées dans un projet (marcher, approfondir le sens de la vie, aller à la rencontre de la foi pour celles et ceux qui ont cette ouverture….) et qui partagent sans ego ou si peu et, qui s’enrichissent mutuellement.

Semaine 3 et 4 / du 20 avril au 2er mai.

Me voilà arrivé à Saint Jean de Pied de Port, fin pour moi de la partie française appelée « la voie du Puy ». Il en existe d’autres Arles, Vezelay, Tours etc…Le 2 mai je me prends une journée de repos avant d’attaquer l’autre moitié ou partie espagnole appelée le Camino Frances qui va de Saint Jean Pied de Port à Santiago de Compostella et le capo Finisterre pour celles et ceux qui veulent prolonger de 90 kms.

Quoi vous dire ? Il y a tellement à dire justement ! Des moments magiques sur tous les plans de mon être. C’est un authentique défi physique – Vous remarquerez que je n’emploie pas le mot de performance et encore moins de compétition, car nous sommes bien au delà de cet aspect (en fait on s’en fout complétement sur « el camino ») – que de marcher avec un sac à dos (de 11 à 13 kgs en fonction de l’eau et de la nourriture transportées pour moi) de 4h30 à 9h00 par jour et en fonction des jours. C’est une aventure relationnelle qui nous fait nous rencontrer pélerins et hospitaliers (celles et ceux qui nous accueillent dans les gîtes) dans la simplicité et l’authenticité. C’est une quête spirituelle au sens que nous sommes bien plus que le matière et que nous avons, un esprit, une conscience, une âme (mettez y le ou les mots que vous voulez). Il y a quelque chose à qui sait le percevoir qu’on ne rencontre dans aucun autre chemin de randonnée et qui ouvre des espaces de notre conscience.

Pour les statistiques cette partie française du Puy en Velais à Saint Jean de Pied de Port, c’est : 760 kms en 27 jours / 182h00 de marche /20834 m de dénivelé +.

Au niveau « bobologie » sachez que je n’ai jamais aussi bien pris soin de mes pieds ! Ils sont comme la prunelle de mes yeux.

Semaine 5 / du 3 au 10 mai.

Me voici à la cinquième semaine. Avec l’Espagne nous changeons de cadre et de dimensions à tous les niveaux ! Terminé le côté intimiste du chemin du Puy. Il y a dix à vingt fois plus de pélerins et cela vient du monde entier (Corée USA, Amérique du Sud, Australie, Nouvelle Zélande et bien sur Europe.

Tous les âges sont représentés (beaucoup de jeunes aussi et beaucoup de femmes seules). Dans certains pays, avoir fait « el camino » et avoir la « compostella » (diplôme) a beaucoup d’importance sur un CV.

Ce qui change aussi beaucoup est le chemin en lui même, pratiquement terminés les petits sentiers de notre hexagone. Ce sont des voies larges..et de partout ce sont des « ola et buen camino ».

Mais surtout la quantité de pélerines et pélerins est démultipliée….Aussi arriver pour 13h00 aux albergues (auberges) est déterminant pour avoir de quoi dormir !

Au niveau introspectif et ouverture de conscience, c’est du +++ (clin d’oeil à celles et ceux qui sont ouverts à cette dimension de notre être). C’est tout simplement fabuleux et difficile à mettre en mots. Dans deux jours, je serai dans la Meseta haut plateau de 200kms entre Burgos et Leon, et des lignes droites juqu’à l’infini !

Semaine 6/ du 11 au 16 mai.

Et me voilà à la 6ème semaine. Je viens de boucler la traversée de « La Meseta » qui a été un authentique « kiff »pour moi et pourtant redoutée par tant de pélerines et pélerins. C’est là que le travail introspectif s’impose à celles et ceux qui n’y sont pas allés jusque là ! C’est un plateau, où ne pousse que du blé pas d’arbre ou si peu et donc pas d’ombre. Quelques villages ou gros bourgs tous les 10 à 15 kms et encore parfois c’est plus éloigné 17kms ! Et des lignes droites avec parfois une courbe. Un espace propice à la méditation et à l’introspection….Et vous savez combien j’apprécie cela, et là pour le coup, j’en ai eu pour mon compte. J’en aurai même repris encore une ou deux étapes. Mais cela peut être redoutable pour celles et ceux qui ne sont pas habitués à ce travail d’intériorité.

Je n’ai pas trouvé cette étendue désertique (ce doit être très différent en juillet-août) mais verte à n’en plus finir. De plus je bénéficie de conditions idéales pour la marche un temps frais au matin et printanier à compter de 10h00.

J’entre à compter de maintenant dans la partie finale du Chemin. Je suis aux portes de la Galice destination Santiago 280kms et Capo Finisterre 370kms).

Semaine 7 / du 17 au 23 mai

Ca y est je suis à Santiago de Compostella, arrivé le 23 mai, soit 7 semaines jour pour jour après mon départ du Puy en Velais.

En débouchant sur la place de la cathédrale de Santiago, j’ai une immense joie intérieure qui est montée…Celle que j’ai depuis le départ et qui ne m’a pas quitté, même dans les moments de difficultés et de souffrances physiques inhérentes à ce type d’engagement. A cet instant, c’est comme si la somme de tous les moments de joie depuis 7 semaines s’accumulaient pour boucler ce périple qui est un authentique défi physique et mentale.

Je voudrai dire à cette occasion combien je remercie celles et ceux qui par leur expérience antérieure du Chemin m’ont accompagné (coaché). Leur modestie va en souffrir mais elles et ils le méritent (clin d’œil à vous : Anne et son mari, Mélanie, Philippe, Aimé, Maurice, Jean Pierre.

La Galice est un régal pour les yeux, vallons et forêt (d’eucalyptus). Par contre sur les 120 derniers kilomètres c’est à partir de 10h00, une file de pélérines et de pélerins de tous les âges (du collégien au plus de 77 ans….) qui cheminent et qui les ramènent en bus au hôtels pas tous)! C’est par centaines que nous nous comptons. Le jour où j’arrive à Santiago nous sommes près de 1500 à avoir été cherchés « La Compostella » (le diplôme) qui est remise à chaque pélérine et pèlerin qui justifie des 120 derniers kilomètres (cf la crédencial).

Semaine 8 / du 24 au 31 mai

Me voilà en ce 26 juin arrivé au bout du bout du Chemin, au Capo Finisterre là où l’Europe occidentale est la plus avancée dans l’Océan Atlantique. Et ce après deux belles longues étapes pendant lesquelles je me suis efforcé à marcher lentement pour prolonger le temps et apprécier ce bonheur généré par cette expérience. J’ai du reste retrouvé le côté intimiste de la voie du Puy. En effet peu de pélerines et pélerins continuent après Santiago, nous ne devons être qu’un petit 10% à aller à la marche jusqu’au cap. La plupart y vont en bus ou rentrent chez eux.

Le décor est des plus apaisants forêts, vallons..et la mer en fond sur les 30 derniers kilomètres.

ET cerise sur le gâteau en marchant au bord de l’eau dans la baie de Fisterra..J’ai ramassé une coquille saint jacques (quel bonheur) !

Sur ce Chemin et jusqu’au bout, j’aurai eu la bonne étoile météo…Peu de pluie 5 jours sur les 50, le dernier jour, elle a fait son apparition 1h00 après mon arrivée à Finestra, peu de grosses chaleurs…et le 27 je suis allé jusqu’au kilomètre 0,00 au cap Finisterre sous un temps calme et dégagé.

Je rentre en mode « tranquillou » sur Arras en alternant, bus, train et une journée et demi de pause prés de Perpignan chez Jean Pierre et Françoise. Jean Pierre étant un pèlerin avec lequel j’ai cheminé pendant plusieurs jours sur la voie du Puy. Je m’octroie cette lenteur pour continuer d’apprécier cette expérience, et être disponible, dés mon retour auprès de mes proches que j’ai hâte de revoir.

Au plan statistique

1648kms en 52 jours (dont 3 de repos, Conques, Saint Jean Pied de Port, Santiago) pour 40399m de déniv+

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